samedi 22 août 2015

Défis boliviens : Copacabana, Isla des Sol, La Paz et Huayna Potosi


L'entrée en Bolivie s'est passée comme une lettre à la poste. Enfin presque, puisque l'on m'a d'abord refusé l'accès, le douanier péruvien ayant déposé un tampon daté du lendemain pour ma sortie de territoire. J'ai  donc été bonne pour un aller-retour Pérou Bolivie pour rectifier l'erreur et éviter que tout mon bus soit obligé de faire de même. Heureusement, il ne s'agissait que de quelques dizaines de mètres à faire à pied entre les deux bureaux de douane. 
 
8km après la frontière se trouve la petite bourgade de Copacabana ; et oui, c'est d'ailleurs de là que vient le nom de la célèbre  plage de Rio de Janeiro. 
Située au bord du lac Titicaca, c'est d'ici que partent les bateaux pour la Isla del Sol et la Isla de la Luna. Ces îles sont très importantes pour les locaux et dans la religion andine puisque c'est sur la première que le dieu du soleil aurait donné vie au fondateur de la dynastie Inca, Manco Capac, et sa soeur Mama Ocllo, qui seraient ensuite partis fonder la cité de Cuzco. 
 
Je commence par visiter la ville. Il y a un énorme marché qui occupe les rues principales. Je remonte jusqu'à la grande place où se trouve une belle cathédrale où les vierges du monde entier sont à l'honneur. Le culte à la vierge a contribué à l'évangélisation des populations locales lors de l'invasion espagnole. Plus tard, après une dure période de sécheresse, un pêcheur sculptera une vierge noire aux traits indigènes à qui l'on attribuera très vite des miracles. C'est cette vierge qui est vénérée aujourd'hui et fait l’objet de nombreux pèlerinages. 



Je fais un saut sur un site inca situé au cœur de la ville. Il est en piteux état avec des tags sur les pierres, des restes de barbecues et des détritus... Mais on retrouve les roches sculptées en l'honneur des montagnes alentours ainsi que des tables d'offrandes. 


Je me dirige ensuite vers le marché couvert pour déjeuner puis je grimpe aux sommets des deux collines qui surplombent la ville. 
J'ai de la chance, je tombe en pleine fête de la vierge, fête la plus importante de la ville. Je l'avais déjà remarquée avec la bénédiction des camions et voitures. Les véhicules sont recouverts de fleurs et de confettis et sont bénis par des prêtres. On en croise plein les rues. 
Cette fête est également sacrée pour les péruviens qui sont nombreux à avoir fait le voyage jusqu'ici. 
Plusieurs rituels ont lieu en l'honneur de la vierge mais aussi de la terre/montagne Pachamama. J'observe donc plusieurs groupes installés en cercle autour d'un tas d'offrandes. Ils commencent par verser un peu de bière au sol puis se partagent la bouteille. Puis ils balancent des pétards avant applaudir, plein d'enthousiasme. J'apprendrai plus tard que ce rituel est pour la chance. 
Il y a aussi ces petites maisons en plastique qu'il est possible d'acheter tout au long du chemin qui mène au sommet. Elles servent aux rituels réalisés lorsque quelqu'un souhaite avoir une maison. Si c'est ton souhait tu peux aussi planter une plante sur des espaces réservés à flanc de montagne. 
Il y a enfin cette file d'attente géante qui mène à une vierge placée au sommet. Les gens attendent tranquillement leur tour pour accéder à celle-ci, la toucher, lui faire des offrandes et lui demander de l'aide pour réaliser leurs souhaits que ce soit en amour, au travail, dans leur famille... 
Au sommet, il y a également d'autres vierges. Leurs socles sont utilisés pour dessiner des formes avec de la cire. Autre rituel...










Après avoir visité les deux collines, je décide de redescendre côté lac et de rejoindre mon auberge pour me reposer. Mais c'était sans compter sur cette famille péruvienne, Francesco, Mathilde et leur fille Jasmine, qui m'ont "enlevée" pour l'après-midi et permis de partager avec eux les festivités de la vierge. 
Après m'avoir offert une bière de bonne chance. Ils me proposent d'aller ensemble au Sapo. Ce rocher sacré de forme animale est également utilisé pour les rites de la chance. Une nouvelle file permet d'y accéder. Cette fois les gens qui la composent ont tous une bouteille d'alcool à la main. En général, il s'agit de vin pétillant. Francesco m'explique alors que nous allons acheter du "Champagne" et jeter la bouteille dans la bouche du rocher. Si la bouteille se brise la chance te sourira pour l'année à venir, sinon il vaut mieux te préparer à affronter quelques galères. 
Nos deux bouteilles se briseront en mille morceaux. Ouf!
La suite du programme est simple : bière, bière et bière, en pensant à chaque fois à en verser sur le sol pour Pachamama. Nous avons même droit à un groupe de musique péruvien pour accompagner l'apéro. Autour de nous, certains commencent à être sacrément soûls. Il faut dire qu'ils n'y vont pas de main morte. 
Pour clore cet après-midi pleine de surprise, Francisco, un peu trop éméché je pense, me demande une dernière faveur. Il veut que j'emmène sa femme et sa fille faire un tour de pédalo sur le lac. Voici comment je me suis retrouvée à bord d'un bateau/cygne sur le lac Titicaca en compagnie de deux péruviennes. Excellente après-midi !






Le soir je retrouve Rommie et Mitch, les deux australiens rencontrés en Equateur. Nous dînons ensemble et prévoyons de nous retrouver sur l'isla del sol le lendemain. 
Je prends le bateau du matin à 8:30. Ils me rejoindront plus tard avec celui de 13:30. 
 
Le trajet en bateau est magnifique. Il fait frais mais je m'installe sur le toit avec d'autres passagers. Je discute un moment avec un couple franco-canadien. Après deux heures de navigation, nous arrivons au Nord de l'île. C'est splendide. Le mélange des couleurs est sublime: du bleu, du vert, du blanc, du jaune. 





Je passe au musée qui m'apprend que le commandant Cousteau est passé par ici et a fait de nombreuses plongées. Des objets incas et pré incas ont été découverts. Mais ce que tout le monde cherche, ce sont l'or et l'argent qui auraient été jetés à l'eau lorsque l'Espagnol Francisco Pizzaro captura l'empereur inca Atahualpa et rompit sa promesse de lui maintenir la vie sauve en échange de quantités astronomiques d'or et d'argent. Quand les mariniers, en charge du transport d'une partie de la rançon, apprirent l'exécution de leur chef, ils auraient jeté le trésor au lac. Mais celui-ci reste introuvable.
 
Je pars ensuite découvrir le nord de l'île. De petits villages se succèdent avec des vues imprenables sur le lac. Je fais une petite escale pique-nique sur un point de vue sympa. 
Je passe ensuite devant la roche sacrée (Titi Khar'ka) qui a donné son nom au lac. 
Puis, les restes du temple de Chinkana apparaissent. Il est surnommé le labyrinthe car ses allées partent dans tous les sens. 








Je commence ensuite la randonnée vers le sud. Cette route est aussi appelée la route des crêtes. Les vues panoramiques sont superbes. Je marche seule à mon rythme, un bon rythme. En deux petites heures, j'ai réalisé les sept km qui traversent l'île du nord au sud. Je m'installe dans ma nouvelle auberge. Rommie et Mitch me rejoignent une demi-heure plus tard. Nous prenons l'apéro, puis nous motivons pour gravir le mont Chequesani (4075m) afin d'assister au coucher de soleil. Le tout accompagné d'un petit rouge bolivien bien sûr... Le vent souffle, on se les gèle, mais punaise que c'est beau. 







Pour le dîner, nous nous offrons une bonne truite du lac tout en pouponnant un peu le bébé d'une des cuisinières. 
 
Mitch et moi nous réveillons à l'aube pour le lever de soleil. Les nuages gâchent un peu la fête mais notre imagination s'amuse avec leurs formes parfois animales. 
A 7h30, Mitch retourne se coucher quand je prends la direction du port. Je quitte déjà cette île magnifique. 


Le bateau part à 8h. Je suis contente, je vais pouvoir arriver tôt à La Paz. Enfin ça, c'est ce que je crois. Car la Bolivie semble me réserver pas mal de surprises météorologiques... 
Il est vrai que le vent souffle un peu plus fort depuis la veille et qu'il y a un peu de houle sur le lac. Mais je ne pensais pas que cela allait avoir des conséquences sur mon trajet jusqu'à La Paz. 
En effet, après une heure de navigation, le bateau accoste sur une île flottante amarrée au continent. Nous devons tous descendre. Le bateau n'ira pas plus loin. Nous finirons en taxi jusqu'à Copacabana. 
Mais ça va. Je n'ai pas perdu tant de temps que ça. Pour l'instant... Je récupère mon gros sac à l'auberge et saute dans le premier bus en direction de La Paz, capitale administrative du pays. Sucre étant la capitale constitutionnelle. Les trois pouvoirs sont séparés entre ces deux « capitales » : les pouvoirs exécutifs et législatifs à La Paz  ; le pouvoir judiciaire à Sucre. 

Une heure après le départ tous les passagers sortent du bus et prennent un petit bateau pour traverser un bras du lac Titicaca. La houle est encore là et me bloque à nouveau. Il faudra attendre trois heures avant que notre bus puisse traverser sur sa barge. C'est assez impressionnant à regarder. 

L'arrivée en bus est impressionnante. Il faut imaginer une gigantesque cuvette recouverte par la ville. Le tout est entouré par des sommets enneigés dont certains comme l'Illimani et le Huayna Potosi culminent à plus de 6000m. 
 
Le bus nous dépose non loin de mon auberge. Je peux donc faire mes premiers pas dans la capitale la plus haute du monde puisqu'elle est située entre 3660 et 4000m d'altitude. On y trouve l'aéroport, le golf, le stade olympique, etc, les plus hauts de la planète. 
 
La Paz est un doux mélange : c'est beau et moche à la fois, c'est le chaos mais un chaos qui semble organisé et qui fonctionne. 
 



Afin d'en apprendre un peu plus, je me rends dès lundi, Plaza Sucre d'où partent chaque jour des visites guidées de la ville. Durant 2h30 je vais apprendre de nombreuses informations et anecdotes. 
Nous commençons par la prison située sur la place. Elle est, en plein cœur de la ville. Ses murs sont peints en rose pâle, on ne se doute, pas du tout de ce qu'il se passe à l'intérieur. Pourtant cette prison est bien particulière. C'est une véritable ville dans la ville. Les gardiens restent à l'extérieur. Ce sont les prisonniers eux-mêmes qui fixent les règles. 
Le système judiciaire est un peu spécial puisque lorsque tu es accusé de trafic de drogue (comme la grande majorité des prisonniers ici), tu dois purger minimum 8 ans avant d'être jugé. Lors de ton entrée en prison, tu dois payer un droit d'entrée puis un droit d'accès à la zone dans laquelle tu souhaites t'installer (zone allant du basique au très luxe) et enfin il te faut louer ou acheter ta cellule. Les plus pauvres payeront 50 bolivianos (8€) pour partager une cellule de 6m2 à 15, les plus riches auront droit à un penthouse avec wifi et cuisine équipée pour 5000 bolivianos. 
Ils sont 2500 pour 500 places. Et c'est sans compter les familles qui vivent à l'intérieur, ne pouvant s'offrir deux loyers. Du coup, même si le business principal à l'intérieur reste le trafic de drogue (il n'est apparemment pas rare de voir des paquets suspects voler depuis le toit), de nombreux commerces se sont développés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains prisonniers qui pourraient être libres aujourd'hui préfèrent donc rester en prison et ne pas perdre leur business. 
Il était possible de visiter la prison auparavant. Ce fut un succès incroyable. Quelques touristes et de nombreux boliviens faisaient la queue chaque jour. Jusqu'à ce que les autorités se rendent compte que le but principal était d'obtenir de la drogue pas chère... 
Un touriste a tenté l'aventure récemment après s'être fait alpaguer par un pseudo guide sur la place. Il s'est retrouvé abandonné à l'intérieur et a dû négocier pendant près de huit heures avec les gardiens en faisant intervenir son ambassade. Il a pu sortir après avoir payé une belle somme d'argent...

Nous partons ensuite pour un marché très fréquenté des locaux à tel point qu'il n'y a d'ailleurs pas de supermarché en centre-ville.  Il s'étale sur plusieurs km dans les rues. Chaque petite échoppe est tenue par une cholita, femme des campagnes aux habits traditionnels caractérisés par leurs multiples jupons et un chapeau melon trop petit. 
L'histoire est rigolote et date de près de 100 ans, lorsque des Anglais s'occupaient de la construction du réseau ferroviaire. Une entreprise de chapeaux envoya un cargo plein de chapeaux melon pensant les vendre à ces messieurs. Ils se sont trompés de taille et se retrouvèrent avec des milliers de chapeaux trop petits sur les bras. Ils tentèrent alors de les vendre aux locaux. Cela ne fonctionna pas sur la gente masculine. En revanche, lorsqu'un vendeur non scrupuleux annonça à une cholita que le chapeau melon de petite taille posé sur le haut du crâne, constituait la dernière mode en Europe, ce fut le gros buzz et il dure encore cent ans plus tard...

Les cholitas sont hyper importantes pour les habitants de La Paz. En plus de les approvisionner en fruits et légumes, elles leur servent aussi de confidentes. Chacun a donc ses habitudes auprès de la même vendeuse. 
 
Nous passons ensuite dans le marché de la sorcellerie où des cadavres de bébés lamas et même des fœtus sont pendus. C'est assez étrange... Il s'agit d'offrandes qui sont utilisées dans la construction. On enterre ces pauvres bêtes sous les maisons et autres bâtiments. Cependant, rassurez-vous, elles seraient toutes mortes de mort naturelle. 
Plus la construction est importante, plus l'offrande doit être en conséquence. Des rumeurs sordides existent concernant des enlèvements de sans-abris enterrés vivants sous les fondations. Personne ne semble avoir été témoin de ce genre de pratiques mais que sont alors ces ossement que l'on retrouve lors des démolitions ?
 
C'est au marché de la sorcellerie que l'on trouve également des potions en tout genre et d'autres objets d'offrandes. 

Le tour arrive ensuite dans le quartier touristique, notamment la rue des artisans où l'on peut faire les meilleures affaires de vêtements en Alpaga. La guide nous précise qu'il ne sert à rien de chercher moins cher  dans un marché plus "local" car seuls les touristes portent ces pulls aux dessins de lamas. Je trouve le mien magnifique !

Nous terminons par la Place de l'indépendance, lieu de nombreuses manifestations sociales depuis des siècles. C'est ici qu'en 2003 les militaires et la police se sont tirés dessus, la population étant prise entre deux feux lorsque le président du moment, Sanchez de Lozada, a instauré une taxe sur tous les salaires sauf celui des militaires. Les plus pauvres se retrouvant les plus défavorisés, ils sont également montés au front, la police tentant de les protéger. Les tensions ne se sont pas apaisées lorsque la taxe a été supprimée. Cet épisode est également appelé la guerre du gaz car le même président a modifié une loi sur les hydrocarbures permettant aux compagnies étrangères d'extraire les ressources de combustible fossile quasiment gratuitement lorsqu’elles en découvrent. Après transformation, l'essence était revendue aux boliviens au prix du marché mondial. La majorité de la population ne pouvant pas se permettre ce genre de prix. 
 
Par peur de se faire assassiner, le président  s'est enfui aux États Unis après avoir vidé les caisses de la banque centrale. Il vit aujourd'hui aux USA. Son extradition n'est pas pour demain puisqu'il a la double nationalité Bolivienne et Américaine...
Un mur plein d'impacts de balles a été laissé en hommage à ces événements. 




La visite s'est terminée autour d'un verre dans un pub où nous avons discuté du président actuel, le controversé  Evo Morales. 
Il s'agit du premier président indigène. Lui sont reconnues beaucoup de bonnes initiatives pour le pays et, en particulier, en faveur des populations indigènes. Il a remis à flot l'économie du pays. Toutefois, depuis plusieurs années, son comportement et ses propos semblent inquiéter une partie de plus en plus importante de la population. Il est notamment en train de changer la constitution afin de pouvoir rester au pouvoir autant qu'il veut. Il a même laissé entendre qu'il resterait plusieurs centaines d'années en se comparant à l'empire  incas... 
Il en est déjà à son troisième mandat alors que la constitution n'en permet que deux, mais comme il a changé le nom du pays de République de Bolivie à Etat Plurinational de Bolivie lors de son deuxième mandat, il considère aujourd'hui qu'il n'en est qu'à son premier... 
 
Ces discours les plus récents sont de plus en plus controversés. De même que ses propos sur les préservatifs qu'il a accusés d'être la cause principale d'une soit disant faible démographie de la Bolivie par rapport aux pays voisins. Il a alors tenté de les taxer, voire de les interdire. Face aux levées de boucliers de la population, il s'est rétracté. Il a alors blâmé les femmes qui n'avaient pas d'enfant et décida d'offrir une indemnité à toutes les femmes de plus de quinze ans qui procréeraient. Les conséquences sont dramatiques puisque de nombreuses adolescentes tombent enceintes simplement pour toucher la prime. 
D'autres bêtises seraient sorties de sa bouche dans des discours officiels, telle que cette recommandation surréaliste de ne plus manger de poulet industriel car des hormones féminines y seraient injectées risquant de rendre les consommateurs homosexuels... 
Il aurait également déconseillé le coca cola qui rendrait chauve. 
Peu de temps après ces discours, un journaliste l'a pris en photo en train de manger du poulet et de boire du coca...
Sacré personnage donc, qui semble avoir fait beaucoup pour le pays mais qui s'accroche un peu trop au pouvoir avec des idées farfelues. Sa cote de popularité est en nette baisse ces dernières années. Sa dernière réélection est d'ailleurs contestée. 
 
Après ce tour très instructif, je consacre mon après-midi à préparer la suite voyage. Première décision, je réserve pour le lendemain une excursion de trois jours à l'assaut du Huayna Potosi, petite montagne de 6088m de haut... Je m'équipe donc un peu plus et investis dans de magnifiques chaussettes en alpaga, le fameux pull et des bons collants thermiques !
 
Le départ est à 9h30 mardi. Je suis en compagnie d'André, un Canadien et José, un Chilien. Pour nous trois, il s'agit de notre première expérience d'alpinisme. J'appréhende un peu tout en étant super excitée. 
Le Canadien ne parlant pas espagnol, le Chilien et nos guides n'ayant que très peu de notions d'anglais, je serai donc la traductrice multilingue pour les prochains jours. 
 
Nous rejoignons d'abord le camp de base situé à 4800m. Il nous faut deux heures en voiture depuis La Paz. Les paysages que nous traversons sont superbes. 



La première journée est consacrée à la prise en main de l'équipement et à une formation d'escalade sur glace. Nous montons à 5000m au pied du glacier pour essayer la marche encordée, crampons aux pieds, piolet en main toujours côté montagne. Nous terminons par une rapide, amusante mais éreintante séance d'escalade sur le glacier. A ce moment-là, le temps commence à se gâter. Les nuages montent et des flocons commencent à tomber. 




Nous rentrons au camp de base pour le dîner et une bonne nuit de sommeil. 
Le lendemain le couperet tombe : jour blanc et 30cm de neige sur la route. Les prévisions annoncent 40cm de plus cette nuit et 80 pour la nuit suivante. 
Pour moi, il n'y a aucun intérêt de monter. Je n'y vais pas pour le challenge mais pour me faire plaisir et pour la beauté du paysage. En plus, je m'inquiète sérieusement pour notre retour en voiture. J'en parle aux guides et leur demande s'il est possible de repousser. Au début, ils me disent que c'est impossible. Ils veulent attendre un peu que ça se calme avant de monter au campo alto (camp du haut) et voir si le sommet est praticable. 
Après deux heures de chute de neige, ils finissent par faire preuve de bon sens et contactent l'agence qui accepte de repousser, sans frais, les deux jours d'ascension pour la fin de semaine. 
Le retour en voiture est une bonne galère. De nombreuses voitures se retrouvent embourbées. Nous devons peler et pousser à plusieurs reprises. Nous mettrons quatre heures pour rentrer. 

De retour à l'hôtel, une super surprise m'attend. Et je pense aujourd'hui que la tempête de neiges a eu lieu pour cette raison : pour que je retrouve quelqu'un et qu'une nouvelle amitié se crée. 
En effet, à peine arrivée à l'auberge je vois débarquer Vera, l'allemande avec qui j'ai traversé la frontière Equateur/Pérou, accompagnée d'une québécoise dont le visage m'est familier. Pour elle aussi on s'est déjà vue. Au bout de quelques minutes je réalise que nous nous sommes croisées en Nouvelle-Zélande, le temps d'un trajet en bateau d'une heure avant une rando dans le parc d'Abel Tasman, tout au nord de l'île du Sud. Et je me souviens qu'elle m'avait marquée, toute pleine d'entrain et bien marrante : je suis super contente de retrouver Amélie, infirmière à Lausanne. 
Nous passons une très bonne soirée à boire des verres dans le bar de l'hôtel en compagnie de Vera et d'un français Félicien, acteur et magicien. 
 
Le lendemain, le temps n'est pas au beau fixe. Nous partons avec Amélie, tester la salle d'escalade de La Paz. Il s'agit en fait d'une minuscule salle de block (mur d'escalade pas très haut dont le sol est matelassé afin de pratiquer sans corde). Ce n'est pas grave, nos y passons deux heures à nous amuser tout en faisant connaissance. 




Le reste de la journée est consacré au shopping (ça faisait tellement longtemps !) et je refais une partie de la visite de la ville pour Amélie. 
 
Le soir, Stéphane, une autre québécoise de Lausanne, nous rejoint. Elle est venue passer deux semaines de vacances avec Amélie. 
Nous passons la soirée ensemble de nouveau au bar de l'auberge. Même si les employés sont super désorganisés et qu'ils manquent la moitié des ingrédients pour réaliser les plats et les cocktails qu'ils ont au menu, nous nous y sentons bien et la musique est bonne. 
 
Vendredi, en compagnie d'Amélie, Stephanie et Vera, nous montons en altitude. D'ailleurs, la pauvre Stephanie, fraîchement arrivée de Suisse, a bien senti passer le dénivelé. Désolée, nous aurions peut-être dû te laisser quelques jours d'acclimatation. 
 
Grâce à l'ami de Patricia (une copine d'impro de Genève), nous retrouvons Gladys, une guide fort intéressante, native de El Alto qui va nous faire découvrir sa ville pendant plus de 3h. 
Alto est la ville qui surplombe La Paz. Perchée à plus de 4000m, on y accède par un téléphérique.
A l’origine, il ne s'agissait que d'une banlieue réservée aux pauvres venus des campagnes. En quelques années, elle est devenue une véritable ville et approche aujourd'hui le million d'habitants, constituant ainsi la troisième ville du pays. C'est aussi la ville la plus haute du monde (4149m). Nous le verrons pendant la visite mais elle a sa propre culture, gastronomie, et même ses spécialités architecturales. Une élite y est née et partage le territoire avec d'autres tranches sociales de la population. 



Nous prenons d'abord un collectivo pour nous rendre au marché où nous retrouvons les stands de sorcellerie et autres objets d'offrandes et de rituels. Août est le mois de Pachamama, le mois où tout le monde remercie la terre et lui demande de l'aider à réaliser ses souhaits. Des carrés sur lesquels sont dessinés les désirs des gens sont en vente partout dans le marché. Il y en a pour tout : l'amour, la chance, pour avoir plus de clients, pour acheter une voiture ou une maison, pour la santé, pour réussir dans ses études... Il suffit de demander à la vendeuse ce que tu souhaites et elle te fournira le bon dessin. On retrouve également les bébés lamas. Il y a aussi ces préparations de fleurs et d'herbes qui servent à éloigner tes ennemis. 
 
Une fois réunies les offrandes nécessaires, chacun choisit un jour particulier du mois et un endroit afin de les brûler pour les offrir à la Pachamama. Si les cendres sont blanches c'est un bon présage. En revanche si elles sont noires, c'est que la Pachamama n'est pas contente de toi et qu'il faut lui offrir plus de choses.  




Tu peux également te faire aider d'un yatiri, ces shamans qui sont en contact avec la Pachamama après avoir été touchés par la foudre. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvées chez l'un d'entre eux pour analyser notre futur dans les feuilles de coca. 
Leur bible est un tissu, sur lequel se trouvent une croix et un tas de feuilles de coca. Il glisse mon billet sous cette croix, verse un peu d'alcool sur les feuilles tout en baragouinant une prière. Il demande mon prénom puis ce que je souhaite savoir. Il continue alors à parler dans une langue étrangère. J'entends mon prénom puis il jette une à une les feuilles de coca sur le tissu. Au bout d'un moment, il s'arrête puis répond à ma question. J'ai eu droit à quatre questions. 
Je sais maintenant que je vais me marier (mais il faut que je sois patiente), avoir des enfants (mais il faut que je sois patiente), trouver un travail qui me plaît et être globalement heureuse dans ma vie. Que demander de plus !


Nous partons ensuite vers le marché de gros où il est possible de trouver tout et n'importe quoi à des prix imbattables. Tu peux même retrouver l'appareil photo que tu t'es fait voler la veille... Encore plus qu’à La Paz, les foires sont des traditions ici. Il y en a tous les jours. Les plus importantes étant le dimanche et le lundi. Malheureusement c'est vendredi et le vendredi, la feria du jour est celle du diable. Il s'y vent apparemment des choses pas forcément très légales. Elle se passe donc à l'aube. Nous ne la verrons pas. 
 
Nous passons ensuite dans un quartier où l'on peut trouver les fameuses spécialités architecturales d’El Alto. Il en existe une cinquantaine d'exemplaires. Ces bâtiments bling bling détonnent au milieu des rues poussiéreuses. C'est assez étrange. Ce sont en fait des salles de réceptions imaginés par Freddy Mamani Silvestre un autodidacte bolivien. Il dit s'être inspiré des couleurs des tenues traditionnelles des cholitas. Je vous laisse découvrir par vous-même. 
Nous avons même pu en visiter un. Ultra kitch et réservées aux riches, ces salles de réception sont la fierté des habitants d’El Alto. La richesse des propriétaires provient principalement du commerce qu'ils sont su faire fructifier. Chaque immeuble est construit au fur et à mesure. En bas, des pièces pour y ouvrir un commerce. Au premier étage se trouve la salle de réception. Un deuxième étage est ensuite ajouté pour des chambres d'hôtel. Enfin, lorsqu'il en a les moyens, le propriétaire peut installer un dernier étage pour son propre logement. Judicieux !
 



Nous faisons ensuite une petite halte dégustation et goûtons une délicieuse purée de Quinoa trempée dans du lait et accompagnée d'une préparation à base d'oignons, le tout saupoudré de fromage. Bien meilleur que beau à regarder je vous l'accorde...


La visite se termine par la statue de Che Guevara, installée en 2003 suite à la guerre du gaz. 
Nous visitons ensuite l'université d’El Alto qui est une autre fierté de ses habitants. Auparavant le gouvernement pensait que ces derniers n'étaient bons qu'aux travaux physiques et manuels et n'avaient donc accès qu'aux formations correspondantes. Toutefois, à force de se battre ils disposent aujourd'hui de leur propre université plébiscitée par des étudiants venant de toute la Bolivie, même de La Paz. 
Au rez de chaussée, une esplanade sert aux rituels. 
Encore une matinée bien instructive !
 


L'après-midi, nous laissons Stéphanie se remettre de ses émotions et partons réserver l'ascension du Huyana Potosi pour Amélie. Elle se joint à moi dans cette aventure un peu folle. Puis nous prenons le deuxième téléphérique de la ville (il y en a trois et bien d'autres en projet...) pour obtenir de nouveaux points de vue sur cette ville étonnante. 
 



La nuit est courte. Je dors mal. Je ne sais pas si c'est l'appréhension ou quelque chose que j'ai mangé mais mon ventre fait des siennes et j'ai la nausée. Définitivement pas les meilleures conditions pour faire un 6000. Je me motive. Ça va passer !
Nous partons avec Amélie et retrouvons André et José à l'agence. André n'est pas en forme non plus. Malade depuis deux jours, il soupçonne le repas que nous avons eu au camp de base mercredi. C'est d'ailleurs là-bas que nous nous rendons. La route est encore plus belle avec le manteau neigeux. Un bus couché sur le flanc témoigne de la violence de la tempête de neige des derniers jours. 




Je mange le moins possible pour ne pas risquer d'aggraver mon cas puis nous partons au campo alto situé à 5150m. Plus nous montons plus l'état de mon ventre empire. Il en va de même pour André. Nos sacs semblent peser trois tonnes. Ils sont lourds avec tout le matos mais cela devrait être surmontable si je n'étais pas si mal. Herman, notre guide, me déleste de mon piolet et de mes deux litres d'eau. Cela aide un peu. 
Il est super patient. Nous mettrons 3h30 pour monter soit une heure de plus que la moyenne. La dernière heure est un supplice. Je m'arrête tous les trois mètres avec la nausée. Je vois l'idée du sommet s'éloigner un peu plus, déçue. Je suis tout de même contente d'atteindre le camp. La vue est magnifique. Je discute avec le guide qui me dit que mon mal peut passer. Je pars donc me reposer à 18h en espérant être d'attaque pour l'ascension. Le réveil est prévu pour minuit avec un départ à 1h. 
Malheureusement mon état ne s'améliore pas. Je ne parviens à dormir que deux heures. Je partage le petit déjeuner avec Amélie et me décide à abandonner définitivement l'ascension. Je me suis promis et j'ai juré à ma mère de ne pas prendre de risques inutiles. Une promesse est une promesse. 
André restera également couché. 




Je prends cela avec philosophie. La montagne ne veut pas de moi. Ce n'est pas bien grave. J'ai donné tout ce que je pouvais. 
 
Après une nuit agitée (imaginez que nous sommes à plus de 5000, que je suis malade et que les toilettes sont dehors avec un chemin d'accès gelé... Heureusement qu'il y a les étoiles pour me réconforter), je me lève pour accueillir Amélie. Cette folle a réussi à atteindre les 6000m. Il ne lui manquait que 20 minutes pour le sommet mais de grosses nausées lui ont fait rebrousser chemin. Chapeau bas en tous cas, tout le monde n'est pas capable d'aller si haut. Ton objectif des 6000m est atteint. Bravo !
Et celui sur qui personne ne misait, José est le seul de nous quatre a l'avoir atteint le sommet. Epatant !
 
Le retour est difficile. Tout le monde est épuisé. Nous chaussons les crampons pour descendre ; c'est plus stable vu la pente et la neige. Heureusement cela va plus vite en descendant. Nous restons un moment au camp de base à profiter du soleil et de la vue puis notre van arrive enfin pour nous ramener dans notre lit que nous attendons tous depuis ce matin. Avant de partir, nous croisons Vera qui tente aussi l'aventure. Réussira-t-elle l'exploit ? Réponse au prochain épisode.  
 


Après ce week-end assez intense et un petit ras le bol du froid. Je me suis accordée un peu de répit et de chaleur. C'est depuis un Hamac en Amazonie que je termine ce billet. Je vous raconte la suite dans quelques jours. 

Plein de bisous.